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LE PRINCE VIRGULE.

Processionnellement, leurs manteaux tombant droit, leurs chapeaux-cabriolets leur donnant l’allure de lampes, ornées de leurs abat-jour, en promenade, les trois salutistes parcoururent le couloir, traversèrent les passerelles d’intercommunication, et firent halte sur celle qui précédait immédiatement la voiture où s’était rassemblé le reste du troupeau, pour employer l’expression chère à MMmes les officières de la vaillante Armée du Salut.

Le train ralentissait.

Les quais, les bâtiments de la gare de Nevada s’apercevaient à faible distance, et sur le quai, des policemen alignés.

— Mais, murmura Laura, un peu émue, si nous jetions manteaux et chapeaux.

— Tout le train nous accuserait, miss.

— Pourquoi cela ?

— Trois figures nouvelles, qu’aucun voyageur n’aurait vues en cours de route.

— C’est vrai, fit-elle.

Et après un court silence :

— Alors, il faut jouer la terrible partie que vous m’avez indiquée ?

— Je n’entrevois pas d’autre moyen.

— Enfin, soit… Si l’on nous prend, j’ai mon revolver…

Albert eut un léger cri.

— Quoi ? Laura, vous…

— Je me tuerai, prince.

Elle se pencha vers lui, et tout bas, la voix frémissante :

— Je me tuerai en disant votre nom. Mieux vaut finir ainsi, que vivre prisonnière de ce misérable Orsato.

Avec un grand bruit de ferraille, faisant sonner lugubrement les plaques tournantes, le convoi entrait en gare ; les freins grincèrent, puis un grand silence succéda à tous ces bruits.

La longue rame de wagons avait stoppé.

La milliardaire eut un geste de décision.

— Allons ! murmura-t-elle.

Et vite, suivie par ses compagnons, elle sauta sur le quai, juste devant le police-chief (chef de police), reconnaissable à ses insignes.

— Personne ne descend, commença ce fonctionnaire…

Mais Laura releva la tête, lui montra son visage mutin et d’un ton timide :

— C’est pour vous donner un renseignement qui facilitera vos recherches et évitera peut-être mort d’homme.