— Mais oui, mais oui… Est-ce que j’ai l’air d’un homme qui proteste ?
Enchanté de la tournure de l’entretien, le milliardaire saisit la main de son interlocuteur, la secoua à désarticuler l’épaule du patient, et d’un ton confidentiel :
— Vous savez que dans la province d’Assiniboïa (Dominion du Canada), je possède, autour de Swift-Current, une résidence admirable…
— Je l’ignorais, fit courtoisement Albert, mais je ne vous en félicite que davantage.
— On ! je m’y ennuie à mourir.
— Alors je retire mes félicitations.
— Gardez-vous en bien, car je viens de trouver le moyen de m’y distraire, et d’utiliser avec plaisir ses inépuisables ressources en chasse, pêche, excursions, etc.
— Trop heureux de rééditer mes compliments.
— Trop pressé, cher monsieur, trop pressé… car le moyen trouvé par moi a besoin de l’approbation d’une autre personne, approbation que je n’ai pas encore.
— Diable ! gronda le Français.
Cet Américain, acceptant, et renvoyant ses politesses, l’agaçait.
Il fit cependant effort pour ajouter amicalement :
— Je fais alors des vœux pour qu’il vous l’accorde.
Topee se frotta les mains avec une telle force qu’un épiderme moins coriace en eût été déchiré.
— Si vos vœux sont sincères, j’ai partie gagnée.
— Ils le sont, mais je ne vois pas…
— Mais si, puisque ce personnage, c’est vous-même.
— Moi ?
Du coup, le représentant de la maison Bonnard et Cie, de Tours, se prit la tête à deux mains. Il lui semblait que son crâne allait éclater. Cette conversation qui lui échappait à chaque instant devenait affolante.
— Enfin, expliquez-vous, fit-il presque rudement.
— Ainsi fais-je. Ma propriété de Swift-Current me plairait, si vous étiez mon hôte.
— Votre hôte ?
— Et celui de ma fille Laura ; avec le général comte Mariole et sa très distinguée fille.
Le monsieur, auquel un charlatan maladroit extirpe une molaire, ne