Du coup, la fille de chambre ouvrit de grands yeux.
— Nous autres Américaines, avoua-t-elle, nous ne comprenons rien aux susceptibilités de caste des vieux peuples d’Europe. Je ne vois donc pas mésalliance.
— Il importe peu. Le principal est que vous sachiez mon père et moi disposés à tout pour empêcher semblable union.
— En effet, cela suffit.
— Or, il y a trois façons d’empêcher un fiancé d’épouser.
— Trois ?… lesquelles ?
— Lui enlever ou la vie, ou la fortune qu’il convoite, ou la fiancée qu’il a choisie.
Le visage de la camériste s’illumina.
— Que je suis contente de parler avec vous, miss générale comtesse. Vous enseignez des choses très intéressantes. C’est vrai : la vie, la fortune, ou le petit cœur sucré. All right ! Mais le señor Orsato…
— Est trop intelligent pour préférer l’électrocution.
— Oh ! oui, cela est présumable.
— Dès lors, qu’il fasse bonne figure à mauvaise fortune…
— Je ne trouve pas mauvaise fortune de ne pas épouser miss Laura, fit vivement Nelly, qui rougit et demeura toute troublée.
Sans paraître s’apercevoir de cette émotion, la Parisienne continua :
— Mais lui trouve.
— Sans doute, sans doute, bégaya la camériste.
— Alors, rien de plus simple. Il semble prendre son parti de l’aventure. Il disparaît à Québec.
— Oui, il disparaît.
— D’une part, master Topee, étant très occupé par ses réceptions, ne surveille ses affaires que d’un œil… On peut facilement l’attaquer dans son crédit.
— Très bien.
— Nous, dans la place, nous tiendrons le señor au courant de tout ce qui se passera.
— Well !
— Et, en cas d’urgence, nous le mettrons à même d’enlever la jeune miss, pour l’enfermer dans une retraite sûre, jusqu’au jour où elle consentirait à lui accorder sa main, ou bien jusqu’au jour où Son Altesse renoncerait à l’obtenir.
Nelly secoua la tête :