que Laura, un peu cavalièrement, a rompu ses fiançailles avec le señor Orsato Cavaragio ?
La soubrette opina modestement de la tête.
— Le señor Orsato en a éprouvé grand’peine…
— Et grande colère aussi, miss générale comtesse.
— Je ne l’ignore pas… Il a même menacé de mort celui en qui il croit, voir un rival.
— De mort, cela est exact.
— Mais, fit la modiste d’une voix insinuante, cela serait tout à fait malpropre, inconvenant et scandaleux de tuer pour cette petite Laura.
— J’ai dit mon avis sur ce point au señor, qui m’a fait l’honneur de me le demander.
— Ah ! je suis bien heureuse d’entendre que vous pensez comme moi, Nelly. Je vous tiens pour une personne de grand sens. Votre opinion m’encourage tout à fait.
— Miss générale comtesse éprouvait le désir d’être encouragée ?
— Vivement, Nelly, croyez-le.
— Et en quelle matière, je vous prie ?
— C’est ce que je vais vous confier.
Derechef, le sourire mutin qui, de temps à autre, éclairait le visage railleur de l’ouvrière, passa comme un éclair sur ses lèvres.
— Je crois être certaine, reprit-elle d’un ton sérieux, que master Topee va inviter le prince de Tours à des chasses qu’il compte donner dans ses propriétés de l’Assiniboïa.
Nelly avait tressailli.
— Mauvaise nouvelle, murmura-t-elle.
— C’est ce que je me suis dit.
— Tout à fait mauvaise.
— N’est-ce pas ?
— Orsato…
La fille de chambre se reprit vivement :
— Dans mon trouble, j’oublie les convenances…
— Ne vous excusez pas, Nelly. Je pense que votre beauté, votre éducation vous donneraient le droit de tutoyer les rois.
La femme de chambre s’inclina avec un plaisir évident.
— Vous êtes trop indulgente en vérité… mais je reprends… le señor Orsato frappera sans pitié.
— Et il sera arrêté, emprisonné, jugé, électrocuté comme meurtrier.