— Vous, monsieur Mariole… et mademoiselle Tiennette ! Vous que j’ai laissés à Paris… je vous retrouve ici…
L’ex-agent mit un doigt sur ses lèvres :
— Chut !
— Quoi ? Il ne faut pas vous interroger ?
— Pas comme cela.
Le jeune homme ouvrit des yeux énormes, exprimant un sentiment voisin de l’ahurissement.
— Ne faites pas des yeux aussi surpris, conseilla Athanase, c’est de vos oreilles que j’ai besoin.
— De mes oreilles ?
— Et de votre intelligence. À cette heure, moi qui vous ai sauvé la vie en venant ici, je viens vous donner de vos nouvelles, vous enseigner à faire votre connaissance, à entamer avec vous-même les relations inattendues, auxquelles la politique et la magistrature vous ont conviées sans vous consulter.
— Ah ! fit seulement Prince, complètement effaré par cet incompréhensible exorde.
— Pourquoi cette accumulation de faits étranges, contraires à la marche ordinaire des choses ? reprit Mariole. Pourquoi, me demanderez-vous ?
— Ma foi, si vous le permettez, j’avoue qu’en effet…
— Je le permets. Je ne suis là que pour vous éclairer.
— Ah ! tant mieux.
— Un grand danger vous a menacé, vous menace encore.
— Un grand danger… Moi ?
— Vous, directement ; Tiennette et moi, par ricochet, car nous sommes décidés à défendre notre ami, et nous nous sommes portés garants pour lui.
— Je ne veux pas que vous vous mettiez en péril pour moi.
— Trop tard, prononça dignement Mariole ; je suis engagé dans votre jeu.
Une secousse légère, qui fit chanceler les trois interlocuteurs, annonça que le Canadian quittait l’amarrage.
— Mais, au fait, reprit le représentant de commerce… de quoi vous êtes-vous portés garants… Je n’ai aucune dette, aucun engagement…
— Ah !… naïf que vous êtes ! Une créance, un traité ne vous mettraient pas en péril.
— C’est juste, mais quel est ce péril ?
D’un geste théâtral, Athanase désigna la couchette.