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dois vous faire remarquer qu’avec votre combinaison, on a de fortes chances d’arriver au bout de sa carrière avant l’heure fixée par le destin.

— Je te le répète. Si cela ne te convient pas, tu es libre de me quitter.

— Un engagé n’est jamais libre d’abandonner son chef.

— Alors ?

— Je vous suivrai partout, même au diable.

Les mains des deux hommes se cherchèrent, s’étreignirent nerveusement :

— Donc, reprit Francis avec une fervente exaltation, nous périrons pour elle, avec elle, s’il le faut ; mais le gage de l’union sudiste n’ira pas aux Yankees.

— Comme il vous plaira, chef.

Le Canadien se frotta les mains :

— À cette heure, je me sens le cœur plus léger, et rien ne s’oppose à ce que je fasse le signal convenu, destiné à apprendre au guetteur, laissé par Sullivan, que tout a marché au gré de ses désirs.

Après un temps, il ajouta :

— Tout, oui, excepté cette chose ignorée qui, aujourd’hui, a parlé en moi pour la première fois…

Ce disant, il s’était dressé sur ses pieds.

Son compagnon l’imita, et tous deux traversèrent le bois, suivant une ligne oblique, qui les conduisit à la partie de la lisière opposée à celle qui faisait face à l’hacienda Rosales.

Là, les chasseurs dressèrent un bûcher de bois sec, auquel ils mirent le feu.

Une flamme claire pétilla bientôt dardant ses langues blanches vers le ciel.

Tout au loin, une autre lueur s’alluma.

— On nous répond, fit joyeusement Francis ; notre signal a été aperçu.

Et dispersant du pied les tisons enflammés :

— Inutile d’entretenir plus longtemps un phare que des indiscrets s’étonneraient de voir.

Quelques étincelles, quelques grésillements encore ; de nouveau l’obscurité régnait en maîtresse sur la plaine.

— Dormons, reprit le Canadien d’un ton assourdi. Nous avons rempli l’engagement signé devant Sullivan… ; maintenant il faut tenir la promesse que nous avons faite devant le ciel.