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— Oui.

— Une fois là, le lui enlever pour le rapporter à Joë.

— Tout cela, c’est de l’eau de roche.

Francis se rapprocha de son compagnon et, abaissant la voix, il lui murmura à l’oreille :

— Si la Mestiza ne parvenait à prendre le bijou inca-atzec qu’après l’expiration de notre engagement, nous ne serions plus tenus de le lui voler.

Le visage de Pierre s’éclaira.

— Je comprends.

— Ah !… Et tu approuves ?

— Naturellement. Mais cela dépend du hasard seul.

— Non encore, cela dépend de nous.

— Alors, je n’y suis plus.

Une seconde, Gairon demeura la bouche ouverte sans proférer aucun son. On eût dit qu’il n’osait prononcer les paroles décisives.

Enfin ses sourcils se froncèrent ; ses traits contractés trahirent l’effort, et la voix devenue rauque :

— En temps ordinaire, nous souhaitons arriver vite aux territoires de chasse. Nulle précaution ne nous paraît superflue pour dépister les Indiens qui nous barreraient le passage.

— Oui.

— Aujourd’hui, faisons le contraire. Si j’ai bien saisi le sens des ordres de la doña, nous devons traverser le Texas et nous enfoncer dans les solitudes du territoire indien.

— C’est ce qu’il m’a semblé entendre.

— C’est un voyage de deux à trois mois… qu’il s’agit de faire durer le double, le triple. Pour cela, accumulons nous-mêmes les obstacles ; négligeons les précautions usuelles. Attirons sur nous les Peaux-Rouges, les pirates du désert, les garnisons américaines.

— Et, conclut philosophiquement Pierre, faisons-nous fusiller, poignarder, scalper, torturer de toutes façons.

Francis eut un regard sévère :

— Si tu as peur, va-t’en ; je te rends ta liberté.

Les traits de l’engagé se couvrirent d’une teinte livide :

— Peur… Si un autre que vous, chef, disait cela, je ne donnerais pas un cent (environ cinq centimes de monnaie des États-Unis) de sa peau. Cependant je