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— Si, tu es l’insensé, si, tu es le coyote.

L’athlétique Canadien se passa la main sur le front pour chasser ces réflexions importunes ; mais la pensée n’est point une visiteuse facile à mettre à la porte. Plus obstinée, plus tenace, elle représentait les mêmes choses à l’esprit de Francis.

Enfin, le géant appuya le bras sur l’épaule de son engagé :

— Pierre, fit-il d’une voix douce.

— Chef ?

— Tu estimes comme moi que trahir la doña est mal.

— Oui, mais le moyen de faire autrement ?

— Il existe peut-être.

À cette déclaration, Pierre eut un sursaut :

— Vous l’avez trouvé, chef ?

— Je le crois.

— Et vous me le direz ?

— À l’instant.

— Vous ferez bien, car c’est peut-être que ma cervelle est épaisse, mais cela me paraît joliment difficile de rester les engagés du nommé Sullivan et de ne pas exécuter ses ordres.

— Nous les exécuterons.

— Ah ? murmura le compagnon de Francis d’un air ébahi… Nous les exécuterons. Alors nous trahirons la doña ?

— Non.

— Non ?

Pierre se prit le crâne à deux mains :

— Tenez, chef, j’ai vu un jour, dans un journal, une espèce d’image que les gens des villes appellent un rébus. — Dans les villes, n’est-ce pas, ils n’ont pas les joies de la prairie et ils s’ingénient à chasser leur ennui. — Eh bien, ce que vous me contez me produit le même effet que cette image… cela me donne mal à la tête.

Un sourire attristé entr’ouvrit les lèvres de Gairon.

— Je m’explique. Pendant sept mois encore, nous appartenons à Joë Sullivan.

— Oh ! ça, c’est clair.

— Quels sont ses ordres ? Remplacer ce brave garçon, qu’il tient prisonnier, auprès de la Mestiza.

— Toujours clair. C’est fait cela.

— Bien. En second lieu, nous devons suivre la doña jusqu’à la cachette du collier.