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— Rentrons à l’hacienda. Nous tiendrons conseil.

Et tous tournèrent bride. Seulement Cigale se rapprocha de Dolorès :

— Mademoiselle, a-t-on le télégraphe au présidio de San Vicente ?

— Oui, pourquoi ?

— Parce que je veux annoncer à des amis d’Europe que je stationne ici.

Elle approuva d’un signe de tête et le Parisien s’éloigna au galop dans la direction de la bourgade.

Au télégraphe il expédia ce télécablogramme :

« À son Altesse, le prince Rundjee.
« Moscou, 23, avenue Sous-Kremlin (Russie),

« Reste en Amérique pour servir intérêts français. Un mois, deux peut-être nécessaires. Lettre suivra. Attends votre avis que suivrai aveuglément. À vous, à Na-Indra, à Anoor, dévoué jusqu’à la mort… »

« Signé : Cigale. »

Cette dépêche transmise, le jeune homme se promena à travers la petite agglomération.

Il déjeuna dans une osteria (hôtellerie), où on lui servit del boccan, c’est-à-dire de la viande découpée en lanières et séchée au soleil et du quiritone, sorte de ragoût sans viande, composé de riz, de piments, de tomates et de citrons.

Le Parisien absorba le tout sans murmurer, bien que l’assaisonnement de ces mets lui arrachât mainte grimace. Mais à la limite du désert, il est sage de ne pas se montrer trop difficile.

Aux curieux qui l’interrogèrent avec l’indiscrétion enfantine de ces populations de la frontière, il déclara sans sourciller qu’il voyageait pour son agrément, qu’il se proposait de gagner la Vera-Cruz et de là Cuba, puis l’Europe, où il mettrait en ordre ses notes sur les contrées, les peuples, les coutumes.

Des chenolas (filles de la basse classe) vinrent promener leurs haillons crasseux autour de lui, cherchant évidemment à obtenir quelques talcos (monnaie de cuivre valant huit centimes) ; mais le Parisien n’était pas d’humeur à prêter attention à leurs visages barbouillés.

Vers le soir, Cigale se rendit de nouveau au bureau du télégraphe.