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— Chasseur, fit-elle enfin, tes conseils sont inspirés par un esprit sage. Mais quel guerrier aura le courage d’accepter désormais la mission dont tu parles, qui aura la prudence nécessaire au succès ?

— Moi, répliqua tout bas Gairon.

— Toi ?

— Moi, qui ai vu le jour au Canada, moi, descendant de Français, moi un Celte[1] comme celui que les Nordistes ont pris.

— Vous aurez ainsi deux bras au lieu d’un, s’exclama Pierre, car un bon engagé ne quitte pas son chef de file.

— Acceptez, reprit Francis. Le temps de conduire señor Cigale jusqu’à Piedras Negras et nous serons à vos ordres…

— Pas même ce retard, fit alors Cigale en se mêlant à la conversation, car je proposerai à la señorita un troisième bras, le mien. Je rentrais en France pour servir mon pays ; il me semble que je le servirai plus encore en restant ici quelques semaines. Acceptez, mademoiselle, acceptez ; faites-nous la grâce de nous commander.

Le jeune homme souriait et son sourire dérida les visages graves de ses auditeurs.

Dolorès elle-même se rasséréna, tendant la main à ses nouveaux alliés :

— Señores, j’ai appris qu’il y a cruauté à refuser ce qui est offert de bon cœur. J’accepte donc l’aide que vous voulez me donner. Puis avec un soupir :

  1. Les Canadiens français se considèrent comme des Celtes, et non comme des Latins. Ils ont raison d’ailleurs. L’Irlande, le pays de Galles, l’Écosse, la France, la Belgique, la Hollande, le Hanovre, toute l’Allemagne jusqu’à l’Elbe, la Suisse, une partie de l’Autriche, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, étaient habités par les Celtes. La conquête romaine fut un accident de la vie de ces peuples et, par erreur, les moines latinistes du moyen âge répandirent cette affirmation fausse que les pays catholiques étaient de race latine. Les premiers, les Canadiens, les Irlandais, les Gallois ont recouvré la conscience de leur véritable atavisme. En France, dans l’Allemagne celte, beaucoup de bons esprits travaillent à rendre aux nations l’idée juste de leur race et de leur tradition. Peut-être un jour prochain verra-t-il luire l’aurore de la Confédération des Celtes du monde, c’est-à-dire de la race supérieure à toutes les autres.