Page:Ivoi - Massiliague de Marseille.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

prononçant ce mot, — sous cette faconde, dis-je, j’ai reconnu un cœur loyal, un esprit subtil et aventureux, incapable de trahison ou de pusillanimité. Avec cela riche, c’est-à-dire insensible aux conseils de la cupidité. Savez-vous qu’il était difficile, señor Rosales, de trouver un personnage, remplissant mieux les conditions requises pour entreprendre une expédition, au bout de laquelle on ne saurait guère rencontrer que la mort.

— Je le reconnais, en effet. Et ce m’est un étonnement de voir que vous, une jeune fille, hier encore une enfant, vous ayez fait toutes les réflexions que l’expérience a suscitées à ma cervelle de cinquante ans.

Dolorès continua sans paraître avoir entendu :

— Je crois mes mesures bien prises. Le secret du but du voyage ne pouvant être gardé, il fallait essayer de tromper ceux dont l’intérêt nous assure l’inimitié. J’ai donc enjoint au señor Scipion de se rendre, par chemin de fer, à Chihuahua. Là, deux de mes Indios Mayos, anciens émigrants du Pérou qui se sont fixés sur les rivages du golfe de Californie, et en qui j’ai toute confiance, deux Mayos l’attendaient avec des chevaux, pour le guider en dissimulant leurs traces à travers la Sierra de la Mostenas et le llano[1] de los Cristianos. La distance à parcourir est d’environ quatre cents kilomètres. Comment ne sont-ils pas encore arrivés ?

— Hé ! le llano est difficile, souvent impraticable. Alors il faut le contourner…

— J’ai aussi envisagé cette éventualité… Mais un mois, songez donc… un mois !

Fabian allait certainement essayer de rassurer sa compagne, mais son attention fut appelée par un cavalier qui galopait à travers champs, en soulevant un nuage de poussière.

— Quelque hôte s’est présenté à l’hacienda, dit-il, et l’on vient me prévenir. Je reconnais Guerrero, l’un de mes vaqueros.

— Sa venue annonce une visite ?

— Oui, il est âgé, et j’ai voulu lui assurer ses invalides en lui confiant la fonction peu pénible de m’informer dès qu’un ami ou un étranger fait appel à mon hospitalité.

  1. Désert herbeux, souvent privé d’eau.