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aux soins du repas. Pour la première fois depuis longtemps, la caravane ne marcherait pas de nuit. On allait faire provision de sommeil en vue de l’avenir.

Pourtant les visages demeuraient pensifs. Une sourde inquiétude, motivée par l’inexplicable malaise dont la manada avait été atteinte, pesait sur tous les voyageurs.

Assis sur des pierres à distance de leurs compagnons, les chasseurs causaient à voix basse.

— Ainsi, ils ont mis le doigt sur la vérité, plaisantait Pierre.

— Ne ris pas. J’ai passé un mauvais moment. La sueur me coulait dans le dos.

— La même maladie que les mules alors ?

— Demain… que ferons-nous si les Comanches n’ont pas paru ?

— On lèvera le camp, chef.

— Et dans la plaine nous serons rejoints, écrasés par les peaux-Rouges.

— À la grâce de la Providence… on ne meurt qu’une fois !

Les mains de Gairon s’appliquèrent sur les épaules de son engagé qu’elles emprisonnèrent comme dans un étau.

— Mais je ne veux pas qu’elle meure, gronda-t-il avec un accent déchirant.

Pierre courba la tête. Qu’eût-il pu répondre, sinon ceci :

— Il ne fallait pas appeler le danger sur sa tête.

Sans doute Francis comprit ce qui se passait en l’esprit de son compagnon, car son étreinte se desserra peu à peu.

— Enfin, fit-il plus doucement, le sort en est jeté !… À tout prix, nous devons accepter la lutte autour du Lac Noir. Pour cela, il est indispensable que les Comanches…

L’engagé interrompit la phrase :

— Ce n’est que cela qui vous chagrine, alors, chef, vous serez satisfait avant peu.

— Comment cela ?

— Si la tendresse n’obscurcissait pas vos regards, vous ne m’adresseriez point pareille question.

— Soit ! Je suis aveugle… parle.

— Eh bien ! chef, considérez les chevaux, lis sont inquiets. S’ils mangent, ils s’arrêtent tout à coup,