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— Et que veut-il ?

— Vous voir, mon commandant.

— J’y vais. Où est-il ?

— Dans la paillotte que monsieur le major Emily a fait installer à l’angle sud-est du fortin.

— Bien, merci.

D’un pas rapide, l’officier gagna le point indiqué.

Pour être en mesure de combattre les insolations ou les accès de fièvre, qui menacent à tout instant le voyageur dans cette région, le docteur avait fait dresser une paillotte, sous laquelle, du moins, les malades seraient à l’abri du vent et des rayons cuisants du soleil.

Sur plusieurs toiles de tentes empilées, le blessé était couché.

Sa face noire avait pris une teinte grisâtre.

Son nez large, comme celui de tous ses compatriotes, s’était pincé.

Évidemment le pauvre Bakoulebé n’en avait pas pour longtemps à vivre.

En apercevant le commandant, le blessé eut un sourire.

Il leva avec peine sa main droite.

Marchand la prit.

— Toi dire adieu… venir près Bakoulebé… bon, venir, bégaya le tirailleur avec cette familiarité naïve dont rien ne peut corriger les gens de sa race.

— Il faut bien que je songe à mes blessés, répondit l’officier en souriant, sans cela ils se croiraient abandonnés et ne guériraient pas.

D’une voix faible le Soudanais l’interrompit.

— Bakoulebé, pas guéri… aller voir houris… Mahomet. Bakoulebé plus besoin de rien.

Il eut un soupir pénible, puis reprit :

— Vieille négresse, mère, à Kayes, mettre pièces d’or dans la ceinture pour envoyer à li. Pas pouvoir envoyé, puisque mouri. Alors, toi, dis, commandant, prendre ceinture et envoyer à vieille négresse.

La main de l’officier serra celle du moribond :

— Je te le promets, Bakoulebé.

Un léger sourire éclaira la physionomie du Soudanais.

— Te dis merci.

Puis avec une vivacité soudaine :