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Il affecta de les regarder comme de simples plaisanteries, traita de l’achat des moutons, prit livraison des animaux et renvoya le traitant sans lui faire aucun mal.

Seulement, aussitôt après son départ, il appela MM. Mangin et Germain, les mit au courant de la situation, et décida que l’on entreprendrait immédiatement l’édification du fort projeté à Baguessé.

Primitivement on devait permettre aux porteurs et soldats de se remettre de leurs fatigues durant une huitaine.

Maintenant il eût été imprudent d’attendre.

Avant tout, il fallait se mettre à l’abri d’un coup de main de l’ennemi.

On se reposerait ensuite, si l’on en avait le temps.

Voilà pourquoi le commandant avait poussé les travaux avec une activité fiévreuse.

Durant les neuf jours qui venaient de s’écouler, l’officier n’avait pour ainsi dire pas dormi.

L’inquiétude le tenait éveillé.

Aussi, ce fut avec une immense satisfaction qu’il vit entrer dans l’enceinte du fortin, le dernier homme et la dernière charge de la mission.

Les indigènes pouvaient attaquer à présent.

Quelle raison leur avait fait différer les hostilités ; on ne saurait le dire avec certitude.

Sans doute les explorateurs avaient bénéficié d’une de ces rivalités si fréquentes parmi les tribus africaines, où chaque guerrier désire être plus chargé d’honneurs que son voisin.

Alors on palabre sans fin.

On discute pendant des journées entières pour décider à qui appartiendra le commandement de tel ou tel groupe de guerriers ; à qui incombera le soin d’attaquer en premier, en second, en troisième.

Et quand tout cela est décidé, accepté, il s’est parfois écoulé huit, dix ou quinze jours.

C’est cette anarchie vaniteuse qui explique les succès foudroyants de certains roitelets noirs.

Investis d’une autorité absolue, appuyée par quelques bourreaux qui tranchent, sur un signe du maître, les têtes raisonneuses, ces monarques ne perdent pas leur temps en palabres.