Page:Ivoi - Les grands explorateurs. La Mission Marchand.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En effet, près du bord, presque à toucher les embarcations… une longue masse sombre s’allongeait.

— Oh ! continua le factionnaire, voyez donc, mon capitaine… cinq, six… Et ça bouge… Ce sont des crocodiles.

Sournoisement, les sauriens, flairant une proie, sortaient de l’eau, rampaient vers le campement.

Lentement, ils se rapprochaient peu à peu du campement.

Baratier réveilla les postes.

— Alerte ! les crocodiles !

En un instant tout le camp fut debout.

Les reptiles avançaient toujours, glissant sûr la vase, sans bruit.

Et soudain le capitaine lança le commandement :

— Feu !

Dix coups de fusil éveillèrent les échos de la forêt, répercutés avec la violence d’un coup de tonnerre.

Trois crocodiles restèrent sur place ; les autres firent un plongeon et disparurent.

Le campement reprit sa tranquillité, et la nuit s’acheva sans autre alerte.

Le lendemain matin, comme Baratier donnait l’ordre de se débarrasser des cadavres des sauriens tués dans la nuit, un tirailleur indigène s’approcha et, faisant le salut militaire :

— Chef, dit-il, si toi permets, Ali sait préparé viande de li bête là… très bon…

— Comment, si je permets… Tout ce que tu voudras mon garçon, répliqua le capitaine en souriant… Ce gibier t’appartient.

— Capitaine toi goûter mi cuisine… Pas mauvais.

Le noir avait peut-être raison ; en tout cas, l’officier était enchanté de la fantaisie de ce cuisinier improvisé.

Et fut-ce l’influence de la faim, tout est-il qu’au repas, le crocodile parut exquis.

Baratier complimenta le tirailleur.

— Tu as rendu un grand service à ton chef, il te remercie.

— Ça bien, chef… Ça bien… mi content…

Et le brave soldat partit en faisant des gambades…

Tandis que le repas s’achevait, un des Sénégalais de faction appela le chef de poste.

Baratier et Bernard se précipitèrent du côté de la sentinelle.