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À la fin du troisième jour, le plancher et le pont rustique reliaient les deux rives de la nappe liquide. On décida de passer le lendemain.

Toute la nuit les sentinelles veillèrent. — Les petits postes furent sur leurs gardes.

Une brume épaisse s’était élevée et réduisait à quelques mètres le rayon visuel.

La nuit toutefois se passa sans alerte. Aucun bruit insolite ne troubla la tranquillité sinistre de cette solitude

Dès l’aube, le ralliement fut sonné, les postes se replièrent, et l’on se mit en devoir de commencer le passage des chalands.

Un des bateaux plats d’acier prit la tête de la colonne.

Sous la conduite du lieutenant Morin, les porteurs se mirent en branle et l’opération parut devoir marcher sans encombre. Mais, à l’instant où l’avant du chaland s’engageait sur le pont jeté au-dessus du chenal, un craquement se fit entendre ; bateau, porteurs et cargaison s’effondrèrent dans l’eau avec le plancher.

Un cri de rage s’éleva sur la rive.

Les tirailleurs venaient de voir, s’élançant des buissons avoisinant le canal, une douzaine de pirogues chargées de noirs, qui forçaient de rames pour atteindre les porteurs se débattant dans l’eau.

Mais la surprise dure peu.

Une pluie de projectiles s’abat sur les assaillants, en démonte un certain nombre.

Devant cette réception vigoureuse, ils n’insistent pas et effectuent une retraite précipitée.

L’alerte passée, le lieutenant Morin veut se rendre compte de ce qui est arrivé.

Mais à peine a-t-il regardé qu’il pousse un juron énergique.

— Les coquins ! s’écrie-t-il, ils ont scié les pilotis à fleur d’eau !

Poursuivant son examen, il s’aperçoit également que les troncs d’arbre formant tablier ont été détachés de la tête des pieux.

C’est évidemment le travail des noirs de Uanâo. Ils ont espéré, à la faveur du désordre, arrêter les Français et les massacrer.