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La bonne humeur des soldats les gagnait et, avec leur accent enfantin, ils braillaient faux mais de bon cœur :

Y a la goutte à boï la hiaut !

Y a la goutte à boï !

Pour certains barrages, les officiers furent obligés de construire des cales sur pilotis, labeur de géants. On devait affermir le sol presque liquide avec des fascines.

Sans cela, sous le poids des charges, les rouleaux se fussent enlisés.

Et plus la flottille avançait, plus le terrain devenait bourbeux. Avec cela, la chaleur était suffocante, à peine pouvait-on exiger des hommes deux heures de travail consécutif.

Le lieutenant de vaisseau Morin, en particulier, était très éprouvé par la fièvre bilieuse hématurique.

Grelottant, claquant des dents, il dirigeait quand même les opérations, mais il était sombre.

Un mois de travail acharné, de luttes contre la nature rebelle, contre le climat torride, un mois entier passé à se nourrir de légumes secs et de conserves, et cette poignée de vaillants n’avait encore pu parcourir que cent cinquante kilomètres, cinq kilomètres par jour en moyenne !

La lenteur de la marche, les difficultés à vaincre n’avaient point abattu leur énergie, n’avaient point abattu leur gaîté.

Mais devant le terrible mal qui touchait le lieutenant de vaisseau Morin, une crainte vague les saisit. Allaient-ils être décimés par le fléau des bois, par la fièvre pernicieuse ?

Le vaillant marin comprit ce qui se passait dans l’esprit de ses compagnons.

Avec un courage stoïque, il dompta la maladie et, se bourrant de quinine, il parvint à rester à son poste.

Le M’Bomou semblait d’ailleurs se dégager d’obstacles.

La route se montrait plus libre. La flottille pouvait naviguer et, tout en gagnant du terrain, les hommes se reposaient.

Sur l’eau, bienfait inappréciable, les moustiques étaient moins incommodes.

On dépassa le village de Uanao, dont les cases apparurent un instant sur la rive droite du fleuve, au milieu d’une clairière. En ce point, on dût échanger quelques coups de fusil avec Les habitants hostiles.

À deux kilomètres en amont du point où venait de se produire l’escarmouche, le fleuve faisait un coude brusque, et, le