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— Et si l’on pouvait les engager dans le plus mauvais chemin…

Jane fit une pause et, plus bas encore :

— … Le chemin au bout duquel on n’arrive jamais ?

On eût dit qu’elle faisait effort pour prononcer ces paroles de sens si lugubre.

— De quel chemin parlez-vous ? questionna avidement Bright, sans remarquer l’indécision de son interlocutrice ?

Elle baissa la tête sans répondre. Évidemment un combat se livrait en elle.

— Quel chemin, répéta l’agent libre ?

Alors elle sembla se décider :

— Celui qui traverse les marais du Bahr-el-Ghazal.

À cette réplique, Bright eut l’air absolument déconfit.

Il haussa les épaules et, avec une sécheresse inaccoutumée, il prononça :

— Vous parlez en dehors du bon sens, Jane.

— Pourquoi cela, je vous prie, riposta la jeune fille d’un ton piqué ?

— Parce que vous oubliez les renseignements que vous-même m’avez apportés.

— Vous vous trompez, je n’oublie rien.

L’agent prit une physionomie stupéfaite.

— Voyons, revenez à vous. N’est-il pas vrai que ce Marchand, que l’enfer confonde, se propose de gagner Dem-Ziber ?

— Si, en vérité.

— Ah ! une fois là, il suivra la route qui passe au nord des marécages.

Jane rectifia :

— Pardon… il ne suivra pas… il se propose de suivre.

— Je voudrais bien savoir qui le fera changer d’avis ?

— Moi… ou plutôt vous, mon père, puisque vous avez la correspondance avec l’Amirauté.

Et, entraînant l’agent près de la fenêtre, elle lui parla bas avec volubilité.

Le visage de l’Anglais exprima successivement la surprise, le doute, puis une joie sans mélange.

En fin de compte, le père pressa sa fille dans ses bras, et tous deux pénétrèrent dans le cabinet de travail de l’agent,