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Du drame tant que l’on voudra, mais pas de vaudeville.

Que voulez-vous ? l’esprit est un produit français.

Nos voisins d’outre-Manche, jaloux de cette supériorité, l’ont attribuée aux fumées de nos vins incomparables du Médoc, de la Bourgogne, de la Loire, des côtes du Rhône.

Pour l’acquérir, ils consomment un nombre incalculable de flacons de provenance française, mais leur espoir est déçu.

L’esprit liquide ou moral est absorbé par eux sans s’assimiler.

Et ils sont bien obligés de reconnaître, de par leur consommation même, qu’ils, sont seulement les clients et que nous restons les grands producteurs.

Quoi qu’il en soit, une fois rentrés à Léopoldville, mister Bright et sa fille tinrent conseil.

Qu’allaient-ils faire ?

Pas un instant, ils n’eurent l’idée de se plaindre aux représentants de leur gouvernement.

Les traditions anglaises sont connues : l’agent qui est battu est blâmé ; celui qui réclame est cassé.

Dès lors à quoi se résoudre ?

À cette heure, la mission Marchand remontait le Congo, l’Oubanghi. Impossible de l’arrêter.

Et comme Bright se promenait avec agitation, Jane, pelotonnée dans un fauteuil et qui, depuis un moment, avait caché son charmant visage dans ses mains mignonnes, releva tout à coup la tête.

Une joie cruelle se lisait dans ses yeux.

Bright vit cela et s’arrêtant tout net :

— Jane, mon enfant, auriez-vous trouvé le moyen de punir ces misérables des inquiétudes qu’ils nous ont causées.

On le voit, le digne agent était bien dans la tradition anglaise qui veut que les Saxons hurlent à un coup d’épingle donné par un malheureux qu’ils empalent.

— Oui, mon père, murmura la jeune fille.

Puis se levant, elle vint à lui, baissa la voix :

— Votre avis est qu’il ne faut pas qu’ils atteignent les rives du Nil ?

By god ! non, ils ne doivent pas.