Page:Ivoi - Les grands explorateurs. La Mission Marchand.djvu/38

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’ailleurs. Comment peuvent-ils, à la distance où nous sommes, par exemple, agir efficacement ?

Le commandant regarde Baratier ; le jeune capitaine hoche la tête en homme qui, dès longtemps, connaît la réponse à la question posée.

— Expliquez-lui cela, Baratier, reprend le chef de la mission.

— Bien volontiers.

Mangin se rapproche :

— Je vous écoute.

Et Baratier parle :

— Mon cher collègue, vous avez déjà vu à l’œuvre les agents libres de l’Angleterre.

— Oui, et en dernier lieu, à Brazzaville. J’ai ri aux larmes de l’aventure des « malades malgré eux ».

— Eh bien, ces gens, qui sont rarement aussi amusants, ont imaginé une chose géniale.

— Vous m’étonnez.

— Écoutez et vous partagerez mon opinion.

Lentement, comme pour faire pénétrer mieux ses paroles dans l’esprit de son auditeur :

— Ces agents ont remarqué que les populations noires ont un respect inné, instinctif de l’uniforme.

— Parbleu ! moi aussi je l’ai remarqué. Quand j’allais « palabrer » dans une tribu, j’arborais la grande tenue, avec des galons d’or sur toutes les coutures.

— Après la cérémonie, vous vous déshabilliez et tout était dit.

— Dame !

— Voilà où les agents libres sont plus malins que nous.

Et, avec un froncement de sourcils :

— Ils ont inventé un uniforme qu’ils font porter aux noirs. Mangin éclata de rire :

— Ça, je demande à voir.

— Vous verrez, mon cher collègue, soyez-en sûr, et vous regretterez de voir.

Puis, après une pause :

— L’uniforme est simple. Un baudrier rouge avec des étoiles, dorées. Nos gens vont dans les villages, sous couleur de commerce. Ils s’enquièrent, ils s’informent, apprennent ainsi que tel ou tel habitant jouit d’une influence incontestée,