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La jolie blonde a laissé tomber son réticule.

M. Emily s’en saisit, l’ouvre, en tire le carnet de l’Anglaise.

Et le tenant du bout des doigts.

— Voici le coupable, dit-il.

Alors Jane comprend.

Elle se précipite en avant, veut reprendre le carnet.

Doucement le docteur la repousse.

— Ne jouez pas avec la mort, malheureuse enfant, reprend-il d’un ton moitié grave, moitié badin. Ce calepin contient des notes qui vous convaincraient d’espionnage, vous et monsieur votre père, si elles n’étaient l’œuvre du délire qui précède toujours la fièvre jaune.

Et avec une nuance de sévérité :

— Restez ici ; vous ne manquerez de rien. Dans un mois, vous en sortirez complètement guérie, je l’espère.

Jane est atterrée.

Sans voix, sans un geste, elle a courbé la tête.

Son triomphe s’est transformé en défaite.

Ce sont les Français qui l’ont jouée.

Ils ont, dans son carnet, des preuves suffisantes pour l’emprisonner, la condamner comme espionne, sans que le gouvernement anglais soit en droit d’intervenir.

Elle tremble, elle enrage.

Mais toute résistance est inutile. Il lui faut se soumettre.

La petite comédie bouffe, organisée par le commandant, était arrivée à sa dernière scène.

À dater de ce jour, le campement français compta deux hôtes de plus.

Les attentions les plus délicates entourèrent les prisonniers.

Et comme un bienfait n’est jamais perdu, la mission trouva désormais les porteurs, les ouvriers dont elle avait besoin.

Tous les obstacles disparurent.

Malgré les pluies diluviennes, les effroyables orages journaliers, la température étouffante (moyenne 37° centigrades à l’ombre) qui, pendant la saison des pluies (octobre à mai), causent à l’Européen une transpiration constante, un ralentissement de la circulation sanguine, un invincible alourdissement du cerveau ; malgré tout, les bateaux se montèrent, et, le 13 janvier 1897, le capitaine Mangin quitta Brazza-