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Leurs mains noires se crispent sur le fût du Lebel.

On sent qu’il suffirait d’un geste pour qu’ils se ruent sur les Anglais.

Non. Il ne faut pas.

La mission doit partir correctement, sans faire de folies qui engageraient le gouvernement français.

De ce jour, on commença les préparatifs de départ.

La colonne ne regagnerait pas la France par le Nil.

C’eût été le chemin le plus direct, le plus facile, mais c’était la voie anglaise.

Non, on passerait par le Sobat, l’Abyssinie, le Harrar, Djibouti.

Par là au moins, avant d’atteindre des terres françaises, on marcherait au milieu de peuples libres du joug britannique.

Le 10, tout était prêt.

Le lendemain, tous les hommes valides s’embarqueraient sur le Faidherbe et les chalands.

Neuf personnes seulement resteraient à Fachoda, jusqu’au moment où elles seraient en mesure de gagner le Caire, Alexandrie et la France.

C’étaient des malades auxquels il eût été imprudent d’imposer de nouvelles fatigues.

L’adjudant de Prat.

Le sergent Bernard.

Sept tirailleurs, dont l’un devait mourir en route, à l’hôpital anglais d’Ondourman.

La soirée fut pénible.

Pour la dernière fois, on campait sur ce territoire conquis au prix de tant de peines.

Quelques heures encore, et l’on partirait comme une tribu d’autrefois, exilée de ses champs, de ses cabanes, par la volonté d’un puissant envahisseur.

On irait droit devant soi, en fugitifs qui attendent tout de la bienveillance de leurs hôtes de rencontre.

Jusque-là on avait poussé de l’avant en conquérants.

On prenait possession des forêts, des plaines, des fleuves au nom de la France.

Maintenant la marche triomphale était finie.

C’était la retraite sombre qui allait commencer.

Marchand et ses officiers étaient groupés sur le rempart. Ils regardaient le ciel indigo parsemé d’étoiles, et peut-être ils