Il explore le pays et, tout à coup, par une inspiration d’audace qui devait bouleverser le prince félon, il se rend seul à Sikasso, capitale des États de Tieba.
Ainsi il entasse explorations sur expéditions, jusqu’au jour où, sûr de lui, sentant qu’il est prêt à accomplir l’œuvre géante qui étonnera le monde, il sollicite le commandement d’une mission qui reliera le Congo au Nil.
Il a voué sa vie à cette tâche française.
Il a l’éloquence de ceux qui croient. Il triomphe de toutes les résistances, brise à force d’énergie et de loyauté les obstacles qu’en France même les Anglais jettent en travers de la route.
Enfin il part.
Le navire qui l’emporte s’éloigne des côtes de France.
Elles se perdent au loin dans le brouillard gris de l’horizon.
Au revoir, France, ton fils va travailler pour toi, pour ta grandeur, pour ta fortune, plus encore pour ta gloire et ton honneur.
Il revit maintenant les longs mois de la montée du Congo, de l’Oubanghi, du M’Bomou.
Il revoit le Soueh, le Fort-Desaix, le terrible marais du Bahr-el-Ghazal.
Oh ! cet obstacle que d’autres avant lui ont essayé de franchir !
Ils s’y sont enlisés. Une expédition de six cents hommes a été dévorée par cet océan de vase et d’herbes aquatiques.
N’importe, on passera.
Et l’on passe, et l’on gagne le Nil ; on atteint Fachoda.
Victoire !
Hélas ! non. L’éternel ennemi a préparé, lui aussi, sa conquête.
Marchand et sa petite troupe sont en présence d’une armée. Deux cents hommes ont à lutter contre vingt-cinq mille.
Le visage du commandant redevient sombre. Le rêve de sa vie est fini. Il rentre à cette heure dans la réalité du moment.
Ses doutes, ses transes le reprennent.
Ah ! Baratier, Baratier, pourquoi ne revenez-vous pas ?
Quelle influence vous retient donc dans ce Paris lointain, où doit se consommer le triomphe ou la ruine ?