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À Ondourman, à Berber, à Athara, le commandant rencontra de la part des officiers anglais un accueil courtois.

Mais cette correction même de ses ennemis prenait l’apparence d’une ironie mordante.

À Athara, il laissa son vapeur.

Il monta en chemin de fer et, à travers le désert lybique, un train anglais l’emporta vers Ouady-Halfa, Chellal, Assouan, Le Caire.

Il ne devait pas aller plus loin.

Une députation de la très importante colonie française, établie dans la capitale égyptienne, vint le visiter.

Dans un éloquent discours, on lui exprima l’admiration ressentie par tous pour le héros de l’exploration africaine.

Tous ces cœurs français battaient à l’unisson.

Mais quand il lui fallut répondre, sa voix s’étrangla dans sa gorge.

Il serra les mains tendues vers lui en murmurant :

— Je ne trouve pas de mots pour vous remercier. Je souffre trop. Mais nous avons une pensée commune qui contient tout. Amis, compatriotes, disons ensemble : Vive la France !

Et, avec un recueillement religieux, du ton de la plus ardente prière, tous répétèrent à demi-voix :

— Vive la France !

Ah ! ce séjour au Caire ! Quelle torture !

Pas de nouvelles certaines.

— Des articles de journaux concluant tantôt à l’occupation, tantôt à l’évacuation de Fachoda.

— Et puis, des conversations avec des officiers, des négociants anglais qui tous affirmaient tranquillement, en gens pratiques que le négoce a mis en garde contre les entraînements du rêve :

— Fachoda, c’est un marais. Bien certainement on ne se battra pas pour cela.

L’honneur ! l’honneur qui avait soutenu le courage des membres de la mission durant la cruelle expédition, l’honneur était donc inconnu à ces gens-là.

— Un marais, on ne se bat pas pour ça.

Et lui, au fond, du cœur, sentait que l’on se fait tuer pour ça, quand, au-dessus du marais, flotte le drapeau.

Oh ! voir des figures étrangères, entendre des phrases banales, cela lui était insupportable à ce vaillant, tout