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Il se déclare que c’est là un enfant qui s’amuse à jouer avec l’insigne sacré de la Légion d’honneur.

Bref il arrêta le capitaine et lui intima l’ordre de retirer son ruban, parce que on ne joue pas avec ces choses-là.

Explications, excuses… Pourquoi donc t’ai-je raconté cela ?

Ah oui ! pour te dire que l’histoire me paraît vraie, maintenant que je connais Baratier.

Donc le capitaine s’installe.

Il a un petit mouvement de surprise en voyant Kitchener.

Celui-ci à son tour aperçoit l’officier français.

Tous deux se lèvent, se saluent, puis se rasseoient.

Cela m’a impressionnée.

Ça a l’air tout simple, et bien ! il y a là-dedans une grandeur… une… Enfin c’est la chose militaire, ça se sent.

J’étais à deux places de distance et je tendais les oreilles.

Je me demandais si les rivaux allaient se parler.

Parfaitement, ils se sont parlés.

— Monsieur le capitaine Baratier, je crois, a dit le sirdar.

— Lui-même, mon général.

— Je suis plus heureux de vous voir ici qu’à Fachoda, car nous ne sommes plus adversaires et je puis, sans arrière-pensée, vous déclarer l’admiration que j’éprouve pour la mission Marchand et pour vous-même.

Le capitaine s’est mis à rire.

— Bon ! Mon général, vous m’embarrassez.

— En quoi ?

— En ceci : si je ne vous félicite pas de votre victoire d’Ondourman, j’agirai en malappris, et si je vous félicite, après vos compliments, j’aurai l’air d’un monsieur qui passe le séné en échange de la rhubarbe.

Tout le monde a ri et moi plus que les autres.

C’était si drôle cette façon de ne pas féliciter cet affreux Anglais qui nous ennuie à Fachoda.

D’autant plus que nous devrons céder, j’en ai bien peur.

C’est peut-être parce que je suis la fille d’un officier, mais cela m’horripile d’être obligé de céder.

Non, non, ne ris pas, méchante chérie, je n’ai pas mauvais caractère, puisque tu grondes toujours et que je me soumets comme une amie bien sage.

Mais abattre notre drapeau !…