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ne dois l’abandonner que si mon pays m’en donne l’ordre.

Et après un silence.

— J’utiliserais volontiers l’un de vos vapeurs pour envoyer à Alexandrie et de là, en France, l’un de mes officiers qui rendrait compte de la situation au gouvernement français.

— Je ne puis souscrire à cette demande…

— Alors les choses resteront en l’état.

Le sirdar se souleva à demi, comme pour rompre l’entretien.

Mais il se ravisa et tendant la main au commandant :

— Je vous approuve. À votre place, je n’agirais pas autrement. Nos gouvernements apprécieront.

Pour nous, nous sommes des soldats.

Nous ne connaissons que notre consigne.

On vous a ordonné de hisser le drapeau français sur Fachoda, vous l’avez fait.

De même je suis chargé de planter le pavillon anglais sur la même ville.

Vous avez obéi en ce qui vous concerne.

J’estime devoir obéir également.

Je ne pense pas que vous vous considériez comme autorisé à m’empêcher d’arborer mon pavillon sur Fachoda ?

Insidieuse était l’interrogation.

Le commandant en eut conscience à l’instant même.

Le terrain choisi par le sirdar était excellent.

Refuser d’acquiescer à sa requête, c’était prendre la responsabilité d’un conflit et placer le gouvernement français en mauvaise posture.

L’admettre avait, il est vrai, l’inconvénient de répandre l’incertitude dans l’esprit des populations chilloukes.

Mais il n’y avait pas à hésiter. Entre deux maux, il fallait choisir le moindre.

Et, non sans tristesse, Marchand murmura :

— Non, je ne me crois pas autorisé à cela.

— J’en étais sûr, s’écria le sirdar.

De nouveau il secoua la main du commandant qui se laissa faire sans conviction, puis il fit un signe.

Aussitôt l’un des officiers anglais sortit du groupe qui, de loin, avait suivi toute la scène.

Celui-ci portait les insignes de colonel.