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Derrière lui sont alignés plusieurs officiers anglais, raides, froids, compassés.

Une échelle descend vers l’embarcation française.

Le commandant et le capitaine Germain la gravissent. Les voici sur le pont, face à face avec leurs adversaires.

Tous portent la main à leur coiffure, échangeant le salut militaire.

La scène est pleine de grandeur.

Est-ce un, duel à mort qui commence ainsi ? Le sirdar fait un signe.

Des soldats avancent aussitôt des fauteuils pliants et les officiers anglais reculent de quelques pas, isolant ainsi leur chef et ses hôtes.

Un instant Marchand et Germain considèrent le sirdar Kitchener.

Et enfin le commandant se décide à rompre le silence.

— Je suis heureux, dit-il, de vous renouveler mes félicitations ; votre victoire d’Ondourman, mon général, est le triomphe de la civilisation.

L’Anglais demeure impassible.

Puis il daigne desserrer les lèvres.

— Je suis très sensible à votre approbation. Moi-même, j’ai à proclamer l’admiration que m’inspire votre magnifique traversée de l’Afrique.

Les officiers français s’inclinent.

— Jamais, poursuit le sirdar, œuvre pareille n’a été accomplie. Et nous autres, Anglais, continue-t-il avec une légère ironie, nous autres, qui connaissons l’Afrique mieux que personne, nous-avons douté du succès. Avec le même ton de persiflage contenu, Marchand riposte :

— Vous m’étonnez, mon général. Je croyais votre service de renseignements parfaitement établi.

Le sirdar feint l’étonnement, puis lentement :

— Et vous trouvez-vous bien à Fachoda, commandant ?

— Aussi bien que possible. Après une promenade à travers les marais du Bahr-el-Ghazal, c’est une délicieuse villégiature.

— Oui, on peut s’y reposer, se remettre de ses fatigues.

— Comme vous le dites si bien, mon général.