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petite troupe française se retirât devant lui, abandonnant la position conquise au prix de tant d’efforts.

Il comprendrait qu’il s’était trompé.

Personne ne lâcherait pied.

On se défendrait jusqu’à la mort, léguant à la France, le devoir de venger ses enfants tombés pour elle autour de Fachoda.

Chez ces hommes, unis par trois années de luttes continuelles, il ne pouvait pas y avoir de divergence d’opinion.

Pour l’honneur, ils étaient venus ici, sur les berges du Nil. Pour l’honneur, ils y resteraient coûte que coûte.

Autant dormir l’ultime sommeil à Fachoda que vivre ailleurs.

Marchand serra toutes les mains tendues vers lui, puis de sa voix calme et grave :

— Mangin, dit-il, veuillez faire porter cette lettre de suite. L’embarcation de notre messager descendra le cours du fleuve, jusqu’à ce qu’elle rencontre la flottille anglaise.

Le capitaine interpellé prit la missive, puis il gagna le rivage.

Déjà les hommes commandés étaient embarqués.

Les avirons parés, ils attendaient le moment de partir.

Le sous-officier indigène reçut le message et le canot, enlevé vigoureusement, fila comme une flèche vers le Nord, tandis que la brise agitait gaiement le drapeau flottant à l’arrière.

Une barque allant à la rencontre de cinq canonnières, c’était bien là l’image des forces des Français et des Anglais sur le Nil.

Après la longue marche à travers la brousse, l’inconnu, quelques héros se trouvaient en présence d’une armée.

Dans la partie terrible qui allait se jouer, l’Angleterre s’était assuré une telle supériorité numérique que l’issue de la lutte n’était pas douteuse.

Et cependant, personne parmi les membres de la mission n’envisagea la possibilité de fuir la bataille.

Ces preux avaient simplement, sans gestes et sans phrases, fait le sacrifice de leur vie.

Cependant le canot s’éloignait toujours.

Depuis longtemps son équipage avait perdu de vue Fachoda et ses palmiers, quand l’un des noirs signala en