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Opprimeront davantage, et qu’il sera d’autant plus difficile de secouer leur joug qu’ils auront gagné plus de batailles.

Comme c’est vrai.

J’en ai eu la preuve hier.

Je te raconte la chose en manière d’amende honorable.

Hier, vers neuf heures du matin, j’étais entré dans le petit pavillon où se trouve la bibliothèque de l’Établissement thermal.

Tout en cherchant un volume, je bavardais avec le très aimable bibliothécaire, M. Le Pailleur, lequel me racontait qu’il avait dû se produire des événements graves en Égypte, car le Khédive avait reçu, une heure plus tôt, un télégramme, daté du Caire, et contenant plus de quatre cents mots.

J’étais appuyé contre la fenêtre qui s’ouvre sur l’arrière du pavillon.

Au-dessous de moi, j’apercevais un banc, abrité sous les rameaux d’un magnifique pommier.

C’était un coin charmant, isolé dans le parc de l’établissement, isolé à ce point que je le voyais pour la première fois.

J’en fis la remarque à M. Le Pailleur qui me répondit en souriant :

— Bien d’autres l’ont découvert depuis longtemps.

— D’autres ? questionnai-je.

Tu sais combien je suis curieux, tu juges que la phrase de mon interlocuteur m’avait fait dresser l’oreille.

— Le Khédive vient ici tous les jours.

— Lui… Pourquoi ?

— Je n’en sais rien. Mais il affectionne ce petit coin. Et quand il peut se débarrasser de son médecin, il s’asseoit là durant des heures.

Je lui coupai brusquement la parole.

Un homme venait de paraître dans le jardin et se jetait sur le banc.

J’avais reconnu Abbas-Himli.

C’était le Khédive qui se montrait juste au moment où l’on parlait de lui.

Je le considérais, quand il tira de sa poche un carré de papier bleu que je reconnus pour être une dépêche.

Il y jeta les yeux, lut lentement, avec des gestes rageurs.