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accolade imprévue avait beaucoup divertie, se dirigèrent vers la maison de Bright.

L’Anglais tint parole.

Ce fut du véritable cognac qu’il versa à son hôte, dans la gourde duquel, suprême libéralité, il vida le contenu de la bouteille jusqu’à la dernière goutte.

Le sergent sénégalais sembla pénétré de reconnaissance.

Il baragouinait d’un ton attendri.

— Oh ! toi, bon pékin, aussi bon que cognac. Moi soldat, moi pas si riche. Si toi venir à Brazzaville, moi régaler toi aussi. Toi venir, dis, avec la fille blonde, qui rire de tout ce que Mohamed parler.

La jolie miss fit un signe imperceptible à son père et se rapprochant :

— Est-ce qu’une dame pourrait visiter votre camp ?

— Si, si, s’empressa de répliquer le noir, toi pouvoir si toi accompagné avec moi.

Elle minauda :

— Si papa y consentait, nous pourrions peut-être… je n’ai jamais vu un camp, cela m’amuserait.

— Oh ! lui consentir tout suite.

En parlant ainsi le Sénégalais se retournait vers Bright.

— Est-ce pas ? Toi, consentir… toi venir avec Mohamed.

L’agent, sans défiance, finit par répondre :

— Oui.

Ce qui provoqua chez Jane une véritable explosion de joie.

On discuta longtemps.

Enfin, il fut convenu que Mohamed-Abar déjeunerait avec ses nouveaux amis et que, le repas, achevé, tous traverseraient le fleuve et parcourraient le campement de la mission.

Le breakfast fut exquis.

Le sous-officier était l’objet des soins les plus attentifs.

Bright s’occupant de remplir son assiette, Jane d’éviter le vide à son verre, il mangea et but comme savent le faire les noirs quand on leur assure franche lippée.

Mais quelles que copieuses que fussent ses libations, il ne perdit pas de vue le but de son voyage. Pas un mot, pas un geste, n’indiqua à ses amphitryons qu’il avait une arrière-pensée.