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Si grande était la disproportion des forces, que les noirs ressentirent comme une pitié pour ceux qui s’étaient établis à Fachoda.

La sympathie, nous l’avons dit, existait entre nos tirailleurs et les populations.

Le 17 septembre, quarante et un coureurs furent dépêchés au commandant Marchand, par un pareil nombre de villages.

Ces messagers lui annonçaient l’approche du sirdar, relataient le nombre de bateaux, de soldats, de canons que l’Anglais avait à sa disposition.

Tous conseillaient aux Français de battre en retraite devant des forces aussi supérieures.

Tous parlaient avec épouvante des massacres d’Ondourman.

Et dans leur ignorance naïve du droit des gens, ils disaient :

— Le Mahdi avait cinquante mille guerriers. Vingt-six mille sont restés là-bas dans la plaine. Morts tous, car l’Anglais n’a pas voulu faire de prisonniers. Songe un peu, toi, qui as si peu de soldats, au sort qui t’est réservé si l’Anglais t’atteint.

Et ils restaient stupéfaits, lorsque le commandant leur répondait.

— Nous pouvons mourir, nous ; mais notre drapeau est celui d’un grand pays qui nous vengera si nous succombons.

Cependant, un des premiers informés fut le cheik Ra-Moeh.

Ce cauteleux personnage prétexta une tournée à faire aux environs et sortit de Fachoda, à cheval, accompagné par son oncle, son frère et son fils.

Une fois hors de la vue des Français, tous quatre mirent leurs montures au galop et descendirent vers le Nord, pendant environ vingt kilomètres.

C’est ainsi qu’ils atteignirent le village de Babiou.

La flottille du sirdar venait d’y arriver.

Les quatre Chillouks sollicitèrent aussitôt une audience qui leur fut accordée sans difficulté.

Conduits en présence de lord Kitchener, ils se prosternèrent, le front dans la poussière, et le supplièrent de les protéger contre leur peuple, auquel les Français avaient bien cer-