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La comédie interprétée par le brave Ouolof eut un plein succès.

La batelière lui offrit de passer sur la rive belge, avec l’espoir de pouvoir, elle aussi, « si carré su verre d’eau-de-vie ».

Mohamed-Abar se fit prier.

Il avait parlé inconsidérément. Que diraient ses chefs s’ils apprenaient son escapade ?

Pour finir, il se rendit aux raisons de la pirogayeuse, sauta dans l’esquif et débarqua bientôt sur le quai de Léopoldville.

Dix minutes après, toute la ville savait la présence du tirailleur.

Point n’est besoin d’affirmer que mister Bright et miss Jane furent avertis des premiers.

Tous deux se rendirent aussitôt sur le quai.

Mohamed-Abar y était toujours, apparemment fort ennuyé par la curiosité indiscrète des habitants de la cité.

L’agent anglais s’approcha de lui, et, employant le français, non sans certaines syllabes gutturales qui trahissaient sa nationalité.

— Bonjour, bravo soldat, dit-il.

Le Ouolof le toisa et, dans son patois naïf :

— Bonjour, toi, pékin. Toi, bonne tête tout plein. Toi dire oh Mohamed trouver eau-de-vie ?

À cette question, le visage de Bright s’épanouit ; d’un buveur, on tire toujours peu ou prou de renseignements.

— Tu veux de l’eau-de-vie ?

— Oui, toi dire où ?

— Chez moi.

— Toi mercanti alors ?

— Non, mais ami des soldats français. Si tu veux m’accompagner, je t’offrirai du cognac et remplirai ta gourde.

Le nègre le considéra un instant d’un air soupçonneux.

— Cognac, ça cher. Toi vouloir beaucoup d’argent.

— Rien du tout. Je te l’offrirai en présent.

— En présent. Toi dire moi pas payer rien.

— C’est cela même.

Du coup, Mohamed lui ouvrit les bras.

— Oh ! toi, bon mercanti, viens faire embrasser avec moi. Et, bon gré, mal gré, il frotta sa face noire sur les joues rosées de l’agent britannique.

Après quoi, tous deux escortés par miss Jane, que cette