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Abondamment arrosées, ces cultures potagères étaient déjà en plein rapport et permettaient de faire entrer force légumes frais dans l’alimentation de la garnison.

D’autre part, Marchand, toujours actif, avait organisé régulièrement ses communications avec Meschra-el-Reck et sa ligne de postes du Soueh et du M’Bomou.

De plus, il signait de nombreux traités de protectorat avec les chefs dès diverses tribus chilloukes, groupant tant sur le Bahr-el-Ghazal que sur les rives mêmes du Nil, une population de plus de douze millions d’habitants sous le pavillon de France.

Le 24 août au soir, le commandant était d’excellente humeur.

La domination française était assise de telle sorte, qu’il pensait que rien désormais ne pourrait donner matière à contestation.

Ce soir-là, il avait parlé plus que de coutume et s’était couché assez tard.

Tout dormait dans Fachoda, quand, vers deux heures du matin, un tirailleur se précipita en coup de vent chez l’officier, arriva jusqu’auprès de sa couchette et le secoua frénétiquement.

Réveillé en sursaut, Marchand étendit la main vers son revolver placé à sa portée.

Mais le Sénégalais l’arrêta.

— Toi pas tirer, commandant, toi pas tirer sur Ridsou, fils d’Atanga, le soldat à toi.

Ces paroles rendirent tout son calme au commandant.

Il se dressa sur son séant et, d’un ton sévère :

— Que viens-tu faire ici ? Pourquoi n’es-tu pas auprès de tes camarades ?

Le soldat secoua la tête :

— Toi pas savoir, capitaine Baratier permettre Ridsou, aller promener loin, pour voir pays. Moi suivre la rivière, à trente, cinquante kilomètres. Partout bien reçu. Français bons, Français, content recevoir.

Cela était vrai. Les relations entre les indigènes et la mission étaient telles que les tirailleurs pouvaient s’en aller, isolés, à soixante kilomètres de Fachoda, sans courir le moindre danger.

Les Anglais, au contraire, furent contraints de marcher par troupes, car tout traînard disparaissait infailliblement.