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Cela tient sans doute au faible effectif de la troupe Marchand.

Il m’a répété à plusieurs reprises :

— Que faire avec si peu d’hommes. Il parle de protéger ma ville ; il ne pourrait se protéger lui-même.

Bref, en le poussant un peu, il m’a tout raconté.

Baratier n’a pas poussé jusqu’au Sobat. Il a simplement abordé sur la rive droite du Nil et effectué une reconnaissance dans les terres.

Il a appris ainsi que la mission de Bonchamps avait battu en retraite vers l’Abyssinie.

Les révoltes des Ras dans cette contrée ont été créées avec un rare à-propos. Sans elles, nous aurions aujourd’hui une armée noire sur le Nil.

Et ce Marchand paraît un officier capable, qui lui aurait fait prendre les meilleures dispositions.

Baratier était furieux.

Marchand a baissé la tête, un peu pâle, mais il n’a pas prononcé une parole.

Le soir, il a dîné avec le cheik. Il semblait avoir repris son calme habituel.

Et comme Ra-Moeh, qui est curieux, lui demandait :

— Es-tu content de la reconnaissance de ton ami, le chef Baratier ?

Il lui a répondu tranquillement :

— Non, car des renforts que j’attendais de l’Est ne viendront pas me rejoindre.

— Ah ! a repris le cheik ; alors, si les soldats du Khalife ou les Igli arrivaient ici, tu ne me protégerais pas contre eux et tu battrais en retraite.

Le commandant lui a lancé un regard dont il a été très effrayé.

— Je ne battrai pas en retraite, dit-il. Depuis trois ans, je marche sans cesse en avant, je continuerai, car, aussi bien, je ne saurais plus reculer.

— Cependant, que pourras-tu faire, avec tes deux cents hommes, si tes ennemis ont des milliers et des milliers de guerriers.

— Je puis mourir avec tous les miens.

Et, se levant brusquement, l’officier saisit le cheik par le poignet, l’entraîna jusqu’à une fenêtre, d’où l’on découvre le drapeau français, placé sur le vieux moudirieh.