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Il eût semblé mesquin aux gracieuses Parisiennes, habituées aux élégants five o’clock tea.

Mais pour ces échappés de la brousse, ces héros enfin arrivés au but, la joie du triomphe décorait toutes choses des plus brillantes couleurs.

Infatigable, Marchand entrait dans la cité.

Du haut des terrasses, les habitants avaient suivi la conversation de leur cheik avec le chef des étrangers.

L’apparence amicale de leur entretien les avait rassurés et maintenant ils venaient sur le pas des portes, regardaient l’officier, l’examinaient avec curiosité, mais avec un sourire aimable.

Landeroin, aussitôt mandé par le commandant, acheva la conquête pacifique de la population en annonçant au coin des rues, comme un simple tambour de ville, que les Européens n’imposeraient aucun tribut aux Chillouks. Ceux-ci seraient tenus de fournir des vivres à la mission, mais toutes leurs fournitures seraient payées.

Une heure après, les habitants et les tirailleurs fraternisaient.

La présence de la petite troupe devenait une véritable fortune pour la bourgade.

Dès l’instant où les étrangers payaient, ils assuraient un commerce considérable pour l’endroit.

Ils n’étaient plus des maîtres, mais des clients.

Et on les traita comme tels.

Pendant toute la durée de l’occupation de Fachoda, les tirailleurs sénégalais furent choyés, vécurent dans l’abondance, tandis que les régiments, amenés plus tard par le sirdar Kitchener, eurent toujours la plus grande peine à se ravitailler.

Tous les obstacles aplanis, le commandant songea à établir le signe visible de sa prise de possession.

On dressa une perche sur les bâtiments, à demi ruinés, de l’ancienne moudirieh égyptienne.

Et devant les tirailleurs alignés, le drapeau tricolore fut hissé.

Une émotion indescriptible étreignit les assistants.

Blancs et noirs avaient les yeux humides. Leur cœur battait plus vite.

Sur toutes les lèvres venaient ces mots.

— Fachoda est à nous.