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— Les porteurs, engagés un jour, se dérobent le lendemain ?

— Exactement. On croirait qu’une influence néfaste s’amuse à défaire tout ce que nous faisons.

Les traits du commandant se contractèrent légèrement.

— Je me doute de la nature de cette influence, murmura-t-il. Et regardant son interlocuteur bien en face :

— Mangin, mon ami, avez-vous fait fouiller les villages des environs ?

— Non, commandant.

— Eh bien, il faut charger de ce soin et sans retard quelques-unes de nos escouades.

Il se tut un moment encore, puis avec un sourire :

— C’est une bonne précaution, nous la prendrons constamment désormais.

Le capitaine parut surpris.

— Je m’explique, mon ami. Les indigènes n’attachent pas une valeur monnayée aux pièces d’or.

— En effet. Ils en usent surtout comme parure.

— Justement. Eh bien, je pense qu’autour de nous en ce moment, et plus tard le long de notre route, la grande mode pour les coquettes africaines est, ou sera, de porter en colliers, gorgerins, bracelets, pendants de nez ou d’oreilles, des disques d’or à l’effigie de Saint-Georges, du roi des Belges ou de l’État Indépendant.

Mangin fit un brusque mouvement.

— Vous comprenez, capitaine ?

— Parfaitement, répondit le jeune officier.

— Il importe donc de constater la chose. Le nombre des parures dorées nous fera connaître l’étiage exact des inquiétudes anglaises au sujet de notre mission. Il y aura également d’autres signes : je vous les indique sommairement. Vous rencontrerez des cotonnades suspectes, des spiritueux qui nous avertiront que nos chances de réussite augmentent. Enfin, quand vous serez abordé par des chefs noirs armés d’excellents fusils ; réjouissez-vous. Ils s’en serviront contre nous, naturellement ; mais cela voudra dire que décidément on nous juge capables de toucher le but[1].

Le commandant expliquait cela paisiblement, sans colère

  1. Sic.