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— C’est le dernier obstacle.

Mais, par exemple, il est encore plus terrible que les autres.

On emploie douze jours, douze jours dans l’eau et la boue, pour frayer un passage aux embarcations.

Et le treizième, au matin, la flottille débouche sur une large nappe d’eau de couleur crayeuse, qui coule du Sud au Nord lentement, avec la majesté mystique des processions géantes qu’organisaient les prêtres d’Isis, contemporains des Pharaons.

— C’est le Nil !

Le Nil, le Nil, ce nom passe de bouche en bouche.

Mais il n’y a pas de cris.

La joie est intense, presque douloureuse tant elle est immense.

Et, dans un silence religieux, les pirogues et boats sont poussés doucement au milieu du courant.

La mission Congo-Nil a justifié son nom.

Le sphinx africain a été vaincu définitivement.

Et le cours berceur du Nil-Blanc emporte doucement officiers, soldats, pagayeurs, à son allure traînante, triomphale.

Cinq jours encore.

Tous les yeux explorent le Nord.

Où donc est cette bourgade vers laquelle on marche depuis près de trois ans.

Où est Fachoda ?

La ville nilotique ne se montre pas. Est-ce que, de même que la cité du conte oriental, elle s’éloigne à mesure que l’on s’approche d’elle.

Nous voici au 10 juillet 1898.

Toujours rien.

Pourtant, vers le milieu du jour, une rumeur sourde court à la surface des eaux.

Là-bas, en aval, des maisons blanches, aux toits en terrasses, viennent d’apparaître sur la rive gauche du fleuve.

Puis on distingue des fortifications en ruines, des champs de maïs. De loin en loin, le paysage plat est agrémenté par quelques palmiers qui déploient leur panache de feuilles au haut de leur fût écailleux.

De son embarcation, Marchand voit tout cela. Ses regards sont fixés sur la petite ville aux maisons blanches. Il prend