Nul ne songe aux bains de vase empestée, aux moustiques, aux fatigues nouvelles.
On ne voit que le but.
Fachoda !
Le commandant Marchand seul a conservé son calme.
Peut-être, au fond, est-il rongé par l’angoisse qui étreint tous ses compagnons.
Mais il la cache soigneusement.
11 doit rester froid, maître de lui, pour être maître de ses soldats.
Et c’est avec un flegme surprenant qu’il attend la crue des fleuves.
Enfin l’eau monte dans les canaux, dans les marais.
D’une façon insensible d’abord, mais qui, bientôt, frappe tous les yeux.
Tout est prêt.
Le 15 mai, un ordre du commandant circule.
— Nous partirons le 28.
C’est une joie délirante, insensée.
On va donc attaquer la suprême étape.
Toutes les embarcations à faible tirant d’eau sont réquisitionnées.
Le Faidherbe restera en arrière, il rejoindra plus tard sous la direction du capitaine Germain.
Le jour se lève sur le 28 mai.
En route.
Ah ! les braves gens que ces blancs, ces noirs unis dans le but généreux de faire flotter le drapeau tricolore sur le Nil.
Comme ils montrent leur amour pour cette patrie que nos fidèles alliés du Soudan ont adoptée.
Rien ne les rebute.
Quarante jours de lutte incessante avec les herbes, les insectes venimeux, les hippopotames.
L’odyssée de Baratier, moins la faim, mais agrandie, se répercutant sur l’ensemble de la mission.
Et l’on passe cependant.
Cette poignée de héros, se sacrifiant au bon renom de la France, est maintenant sur le chenal profond du Bahr-el-Ghazal.
Voici les limites du lac Nô.
Encore un coup de collier, grands cœurs.