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CHAPITRE II

COMME QUOI IL N’EST PAS TOUJOURS COMMODE DE MONTER UNE CHALOUPE


La presse, la photographie, la gravure ont popularisé les traits du chef de la mission Congo-Nil.

De taille moyenne, le visage doux, l’air timide presque, cet air de ceux que la nature a créés pour le mépris de l’argent, et qui n’aspirent qu’à un luxe, le plus coûteux de tous, car le milliard n’en permet pas l’achat, le luxe de l’honneur.

Au repos, il tient volontiers les paupières baissées, laissant à d’autres le souci de briller par d’abondantes paroles.

Mais qu’il se présente une chose utile à dire, les volets de ses yeux francs glissent, laissant passer un éclair, un potentiel intense d’énergie. Alors les bavards se taisent avec une sorte de confusion.

Ils ont reconnu le chef, comme on dit dans l’armée ; le chef qui enlève ses subordonnés, par les seules forces de l’attraction et de l’exemple, vers les cimes du dévouement.

Or, le 12 décembre, le commandant, retenu depuis trente-quatre jours à Brazzaville, était assis sur un siège grossièrement façonné avec des tiges de rotang.

Ses yeux se fixaient sur le fleuve, et au delà, sur l’agglomération de Léopoldville, entourée d’immenses champs de manioc, dont la fécule est connue chez nous sous le nom de tapioca.

Il était soucieux et grave.

En face de lui se tenait le capitaine Mangin, dont le visage, exprimait également l’ennui.

— Alors capitaine, fit tout à coup Marchand après un silence prolongé, nos derniers convois ne peuvent arriver ?

Non, mon commandant.