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La dernière pensée de ce soldat a été de rendre compte de la reconnaissance qui lui coûte la vie.

Ah ! elle aura été cruelle, la suprême marche de Gouly.

Auprès de son cadavre, un autre est bientôt étendu, immobile et froid.

C’est celui de Fasch’aouda.

La pauvre petite a vu mourir son ami, et aussitôt la fièvre l’a prise à son tour.

Par quel phénomène magnétique, par quelle influence d’auto-suggestion a-t-elle pris la maladie de son ami.

Mystère.

Elle veut mourir, cela est évident, car elle crache le quinine qu’on l’oblige à prendre.

Elle veut mourir et son vœu est bientôt exaucé.

Elle s’endort du long sommeil dont on ne se réveille qu’au pays des étoiles.

Adieu, pauvre petite vierge noire.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le 26 du même mois, le capitaine Baratier rentrait à Fort-Desaix, après son extraordinaire reconnaissance du Bahr-el-Ghazal.

La barbe longue, les traits creusés, il portait la marque des longues fatigues supportées vaillamment.

Aussitôt, comme une traînée de poudre, la nouvelle se répand partout.

Baratier a reconnu le cours du fleuve qui se jette dans le Nil, il connaît le chenal navigable qui permet de traverser les marais.

Partout on commence les préparatifs de départ sans attendre d’ordres.

Sans doute, les eaux ne seront assez hautes que dans un mois, deux mois peut-être, mais qu’importe.

Chacun se sent une impatience fébrile d’arriver à Fachoda.

Les angoisses que Baratier a ressenties, il les a communiquées à ses compagnons.

À chaque instant, quelqu’un murmure :

— Si les Anglais y étaient avant nous.

Et l’on ne pourra partir qu’à fin mai.

Quelle fièvre, quel agacement.

Il semble que c’est une partie de plaisir qui se prépare.