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Sans savoir ce qu’ils font, tous traversent le lit de la rivière au pas de course.

Ils gravissent la berge opposée.

La savane reprend, sèche, désolée, s’étendant au loin, sans un monticule, sans un arbre.

Fasch’aouda avait raison.

Gouly s’est enfoncé dans le pays de la soif.

Il y a un moment d’écrasement chez tous.

Seule la Nyam-Nyam reste calme.

Elle a connu toutes les tortures de la vie dans la brousse.

Cela ne la surprend pas.

Elle va dans la savane, courbée en deux examinant les herbes.

Que cherche-t-elle donc ?

Soudain elle fait entendre un cri d’appel.

Ses compagnons accourent auprès d’elle.

Elle tient une poignée d’herbes épaisses à la main.

Elle les porte à sa bouche et les mâche avec avidité.

Les noirs comprennent.

Ils l’imitent, et le lieutenant lui-même suit son exemple.

L’herbe a une saveur légèrement amère, mais elle contient un peu de sève fraîche qui rend leur élasticité aux muqueuses de la bouche.

On passe la nuit en ce lieu.

Le lendemain il faut songer au retour.

Mais les gens qui ont soif, qui ne réussissent pas à se désaltérer en grignotant les herbes reconnues par Fasch’aouda, sentent leurs forces s’épuiser.

Leur marche est lente, chancelante.

Il leur faut quatre jours pour atteindre Bià.

Sauvés. Le commandant Marchand, inquiet de leur absence prolongée, s’est porté à leur rencontre.

Voici des vivres, voici de la quinine, voici de l’eau.

Les tirailleurs se raniment, se remettent.

Mais le lieutenant Gouly a été frappé à mort par la soif.

Après les fatigues de deux ans d’exploration, cette dernière souffrance a brisé en lui toute force de résistance.

À peine arrivé, il rend le dernier soupir, ayant eu seulement le temps de dire au chef de la mission :

— Le Bahr-el-Arab est à sec.