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Cet attachement de chien fidèle le toucha, quelle que fut sa mauvaise humeur.

Ne pouvant renvoyer la négresse au Fort-Desaix, il lui permit de se joindre à la reconnaissance.

Durant plusieurs jours, tout alla pour le mieux.

Le pays était riche, abondamment arrosé.

La population fort douce se livrait à la culture.

On ne manquait de rien.

Ce tableau enchanteur ne devait pas tarder à changer.

Quand on eut franchi le Bahr-el-Home et que l’on fut engagé dans les plaines herbeuses qui le séparent du Bahr-el-Arab, les habitants disparurent comme par enchantement.

On parcourait une savane sans fin.

De hautes herbes jaunies, dont les tiges s’écrasaient sous les pieds avec un craquement sec, couvraient le sol à perte de vue.

Pas un arbre, pas un buisson.

De temps à autre, on traversait le lit desséché d’une rivière bordée de gommiers, dont les racines allaient sans doute chercher dans les profondeurs du sous-sol, l’humidité nourricière des arbres.

Fasch’aouda regardait tout cela.

Plus, on avançait, plus son visage exprimait la terreur.

Enfin n’y tenant plus, elle tira le lieutenant par la manche.

Il se retourna surpris.

D’ordinaire, la fillette ne se permettait pas semblable familiarité.

Que se passait-il donc ?

Elle comprit l’interrogation de son regard, et étendant son bras vers tous les points de l’horizon, en un geste circulaire, elle dit :

— Ti reveni… ici pas bon…, di l’eau… pas !

Gouly secoua la tête.

L’enfant le prévenait qu’il s’enfonçait dans un désert herbeux, où la soif est tout aussi à craindre qu’en plein Sahara.

Avec son instinct de sauvage, la petite avait deviné la vérité.

Mais le lieutenant, ayant consulté sa carte et reconnu qu’il se trouvait à peine à une journée de marche de l’emplace-