Page:Ivoi - Les grands explorateurs. La Mission Marchand.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Sans doute. Apprenez-moi tout d’abord vers quel but vous tendez ?

— Oh ! c’est clair. Des Français veulent arriver au Nil, cela est contraire aux intérêts britanniques…

— Donc un Anglais a le devoir…

— Naturellement.

Il y eut un silence ; les causeurs réfléchissaient.

Puis la charmante blonde se rapprocha de son interlocuteur :

— Il faut d’abord télégraphier à l’Amirauté.

— Bien, je ferai ainsi.

— Elle pourra ainsi agir de son côté.

— Votre remarque est droite.

— Pour nous, mon cher père…

— Pour nous, dites-vous ?

— Nous demanderons un fort crédit sur la Banque de Léopoldville, car, avec de l’argent, on fait tout ce que l’on veut.

Et tous deux, avec cette allure automatique, particulière à leur race, se rendirent au bureau du télégraphe.

Ils expédièrent une longue dépêche, incompréhensible pour les profanes, car les mots avaient une signification particulière, convenue à l’avance avec leurs correspondants.

Le soir même, un petit noir, télégraphiste de ce pays de bois d’ébène, (Uniforme : tout nu, avec une casquette blanche sans visière et à liseré bleu) leur apportait en réponse le télégramme que voici :

« Compris. Crédit illimité. Ordres nécessaires expédiés.
xxxSuivre, si possible opération. Envoyer nouvelles fréquentes. Gros intérêts en jeu. »
xxxLa signature était :
xxx« Clarence de Ladbroke — Grove — Road — London. »

Ces détails, rigoureusement authentiques[1] étaient indispensables pour montrer les dessous politico-diplomatiques, par suite desquels les obstacles se multiplièrent sur la route ; la mission, rendant son succès si improbable, qu’à la nouvelle de son arrivée à Fashoda, un homme d’État anglais s’écria :

— Ce Marchand est un Titan ; il escaladerait le ciel s’il lui en prenait fantaisie.

  1. De même que dans le cours de ce récit, le dialogue n’est pas strictement textuel, mais les idées exprimées et les faits sont d’une absolue exactitude.