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occupé Fachoda bien avant que l’expédition française fût en mesure de se mettre en route.

Il parla tant et tant que le commandant finit par lui dire :

— C’est à la mort que vous me demandez de vous envoyer, Baratier, mais vous avez raison, il faut que l’un de nous se dévoue. Si je n’étais le chef de la mission Congo-Nil, je ne remettrais à personne l’honneur de tenter l’aventure. Vous partirez donc, mais, auparavant, j’exige que vous attendiez le retour des reconnaissances que je vais expédier dans toutes les directions. S’il était avéré que les renseignements vagues fournis par le griot sont erronés, il serait inutile de vous sacrifier.

Et lui tendant la main :

— En me confiant la conduite de la mission, on m’a fait le comptable de l’existence de tous mes collaborateurs. Et si un jour, parvenu au bout de la route, alors que l’on fera le dernier appel des survivants, je dois répondre à l’appel de votre nom : « Mort, » je veux pouvoir ajouter : « Je lui ai permis de faire le sacrifice de sa vie dans une circonstance d’absolue nécessité. »

Et dans ces paroles du chef, il y avait une émotion si vraie, une tendresse si profonde pour tous ceux qui l’entouraient, que plusieurs tournèrent la tête, pour cacher la larme d’attendrissement soudainement montée à leurs paupières.

Quant à Baratier, il murmura d’une voix assourdie ;

— Merci, commandant, j’attendrai.

Dès le lendemain des petits pelotons d’éclaireurs quittaient le camp.

Ils avaient pour consigne de s’arrêter dans les villages, d’interroger les principaux habitants, de mettre en œuvre tous les moyens pour se procurer quelques renseignements sur la mission mystérieuse, signalée le long du Nil.

Le pays était à peu près pacifié.

Les éclaireurs marchèrent donc vite.

Au bout de quinze jours, tous étaient rentrés.

Mais ils ne rapportaient aucun renseignement nouveau.

En plusieurs endroits, le passage du griot leur avait été signalé ; il avait même fait, dans trois localités différentes, un récit analogue à celui qui était parvenu aux oreilles du commandant.

Mais, nulle part, les indigènes n’avaient pu formuler une