Page:Ivoi - Les grands explorateurs. La Mission Marchand.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le reste de la mission nous suivra à dix jours d’intervalle.

Le commandant est là qui nous regarde nous embarquer. Il serre la main au capitaine Germain.

Encore un crâne officier, va, le commandant. Je suis plus grand que lui, bien que j’aie une taille de Parisien et que la tour Eiffel m’humilie ; seulement, il vous a une paire d’yeux… ! faudrait avoir une jolie santé pour faire de la rouspétance avec lui.

Et puis brave homme avec ça ; veillant sur ses troupiers comme un père. Si fatigué qu’il soit, car il se fatigue autant que nous, il fait sa ronde matin et soir, pour s’assurer que chacun prend bien sa ration de quinine.

La quinine, c’est le bonbon des Africains. Vrai, rien n’est meilleur. Sans elle, on ne marcherait pas huit jours.

On embarque.

Les pagaieurs se mettent à ramer et nos pirogues glissent, glissent comme des vraies flèches. Je crois bien qu’aux régates d’Asnières, les nègres dégoteraient les yoles du Cercle nautique de la Basse-Seine.

Il fait une chaleur, bon sang ! Je passe mon temps à tremper un mouchoir dans l’eau et à me le coller sur la tête.

Et ces satanés rameurs ruissellent de sueur comme moi ; mais ça ne les gêne pas, tu sais ; ils ont un petit complet de voyage qui ne leur colle pas sur la peau : une ceinture de toile et un petit tablier idem qui leur descend jusqu’à mi-cuisses. Tu penses s’ils ont les mouvements libres.

Il y en a deux qui sont superbes. Des hommes de six pieds, les épaules larges, les hanches étroites. On dirait des statues en bronze… comme chez Barbedienne, tu sais, le marchand du boulevard Montmartre. Du reste tu les verras.

Ah ! je vois ton œil, papa, tu te figures que je vais t’amener des nègres. Non, non, te fais pas de peine pour ça. Je te les apporterai en photographie.

J’ai un camarade, un petit caporal qui a un appareil très léger, il prend un tas de vues, et il m’en fait une collection pour moi.

C’est rigolo pourquoi il m’a pris en affection.

Il est de la Savoie… alors, tu comprends, tous les camarus l’appelaient :

— Savoyard.

Il avait peur que je le blague. Les Parisiens ont une répu-