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les plus lâches qu’il soit possible de rencontrer, s’étaient éclipsés pendant la bataille. Sur les cinq hommes, moi compris, qui accompagnaient le capitaine, deux étaient blessés ; pas bien fort heureusement, mais assez tout de même pour avoir assez à faire de se porter.

Et puis, v’lan… le capitaine se remet à grelotter, à claquer des dents. Sa bilieuse hématurique le reprenait.

Fallait le porter, il n’y avait pas à dire « ma belle amie ». Seulement, c’est lourd un homme, dans ces chemins qui n’en sont pas.

Le capitaine, qui est bon garçon tout plein, dit comme ça :

— Allez-vous-en, mes enfants, vous reviendrez me chercher avec du renfort.

Tu vois le coup ! On l’aurait laissé là, dans la brousse, et on l’aurait retrouvé sans tête, car ces gueux de nègres, ils ont la manie de décapiter les blancs.

Ils s’y entendent, faut voir, à rendre des points au bourreau de Paris.

Pas besoin de guillotine, va. Un mauvais coupe-coupe, et, en deux temps, trois mouvements, ça y est. On est raccourci.

C’est épatant ce qu’on perd facilement la tête dans ce pays. Bien sûr que les chapeliers n’y font pas fortune !

Pour en revenir à mon histoire, je dis aux deux hommes valides.

— Prenez les pieds du palanquin, je prendrai la tête. Le capitaine proteste :

— Merci, sergent… mais vous-même, vous êtes affaibli… vous ne pourrez jamais.

— Je vous dis que si, mon capitaine. Et comme il voulait toujours qu’on le plaque là où il était, je lui glisse en riant :

— Je vous propose un pari.

— Un pari ? qu’il dit.

— Oui, deux sous que je vous ramène.

Alors il a ri et il s’est laissé faire.

Quelle suée, papa ! Le pays ici est brûlé par le soleil, la terre est sèche comme de l’amadou, mais moi j’étais à tordre en arrivant.

Le capitaine est resté quatre jours sans pouvoir se lever. Alors ça a été mieux. Il m’a fait venir et il m’a serré la main.