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trouvait anéantie, et maintenant ceux dont on avait imprudemment excité la colère allaient venir sans doute. Ils raseraient le village, dévasteraient les champs.

La famine, la pauvreté s’abattraient sur les survivants.

Les tribus voisines, encouragées par leur faiblesse et leur dénûment, se rueraient à leur tour sur eux.

Elles les vaincraient sans peine, les emmèneraient en servitude.

D’une peuplade puissante, il ne resterait plus que quelques esclaves dispersés à tous les coins de l’horizon.

Au moins ils se vengeraient.

Ils sacrifieraient à Terpi les êtres dont la bouche menteuse avait causé la défaite des adorateurs du dieu.

Les officiers avaient deviné l’enchaînement de circonstance qui mettait de nouveau en leur présence leurs anciens ennemis de Brazzaville.

Et toutes ces choses, ces mois de voyage en pays noir, tout cela se représentait à l’esprit de la mourante.

Que de haine elle avait montré contre ces Français qui, à cette heure, respectueux et dignes, accordaient la suprême aumône de la pitié à son agonie.

Un flot de larmes monta à ses yeux sanglants.

Elle fit un effort… un effort terrible et sa bouche crispée s’entr’ouvrit.

— Pardon, dit-elle.

— Pardon, s’écria le docteur bouleversé, pauvre petite… elle demande pardon quand elle est dans cet état…

Mais il se tut, le commandant avait fait un pas en avant et lentement :

— Vous étiez pardonnée, mon enfant, dès l’instant où la souffrance s’était abattue sur vous. Ne vous préoccupez plus du passé et dites-nous, dites-nous ce que nous pourrions faire pour vous.

Elle bégaya :

— Merci !

Puis avec une énergie, presque avec violence.

— Vous avez pardonné… agissez-en amis…

— Nous sommes prêts.

— Alors tuez-moi… je souffre… je souffre.

Elle se tordit avec désespoir.