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Un gémissement faible, indistinct, venait de troubler le silence.

Les officiers s’interrogèrent du regard.

Qu’est-ce que cela pouvait être ? Qui avait fait entendre cette plainte ?

Leurs sens ne subissaient-ils pas les effets d’une illusion ?

Ils se consultèrent du regard, mais le même son se reproduit.

C’était triste, doux, comme l’appel épuisé d’un mourant.

D’un même mouvement, tous trois revinrent sur leurs pas, marchant vers l’autel.

Car il leur avait semblé que l’appel partait de là. L’appel, si le son pouvait être appelé ainsi, ce son si étouffé, si ténu qu’il leur était impossible de discerner s’il s’était envolé d’une bouche d’homme, de femme ou d’enfant.

Le docteur, qui avait allongé le pas, poussa un cri rauque.

Il avait contourné le piédestal de la statue et s’était arrêté comme médusé.

Ses compagnons le rejoignirent.

Eux aussi ressentirent une émotion violente, une angoisse lancinante devant le spectacle atroce qui s’offrit à leurs yeux.

Sur une claie de joncs, que tendait un cadre de bois, supporté par quatre pieds, deux corps d’Européens (les vêtements dont ils étaient recouverts le démontraient) étaient étendus.

Un homme, une femme.

Ils gisaient là, sans mouvement, les coudes attachés derrière le dos, les genoux enserrés de cordelettes.

— Des victimes de Terpi, fit à voix basse le capitaine Mangin.

— Morts, bredouilla le docteur.

— Morts, répéta le commandant avec une intonation triste.

Mais ils frissonnèrent. On eut dit que leurs paroles ranimaient l’un des cadavres.

La femme fut secouée d’un tremblement.

D’un accent déchirant, elle gémit.

— Tuez-moi… tuez-moi… je souffre.

D’un bond, le major saisit une extrémité du cadre. Du geste il indiquait l’autre à ses compagnons.

Ceux-ci comprirent.