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Elle n’acheva pas, sa jolie tête eut un mouvement mutin, et lentement Stella se dirigea vers la cabine 3, qui devait être sa demeure durant la traversée. Mais sur le seuil, elle demeura saisie.

Une femme était debout dans l’étroite enceinte. Cette femme avait appuyé le doigt sur ses lèvres. C’était, à n’en pas douter, la passagère inscrite sous le nom d’Ydna, fille d’un chef Indien guarani.

Son costume : tunique de cotonnade descendant à mi-jambe, ses mocassins (sandales) ornés de disques de métal, son manteau de vigogne ; sa coiffure retenue par un diadème de plumes multicolores, les lignes de peinture bleue — peinture de voyage et de paix — qui sillonnaient son visage, rappelait cette race guaranie, courageuse et chevaleresque, dont les tribus parcourent les immenses solitudes des bassins de l’Amazone et de l’Orénoque.

Vivement elle saisit la main de Stella, attira la jeune fille à l’intérieur, referma la porte, et d’une voix suppliante :

— Silence ! Je croyais cette cabine inoccupée ; je sortirai quand je n’aurai plus rien à craindre.

— Alors vous ne sortirez jamais, riposta Mlle Roland, un peu revenue de son premier étonnement.

— Jamais ? Pourquoi ?…

— Parce que ceux qui vous cherchent ont pris passage à bord.

L’Indienne eut une exclamation dépitée.

— À bord ?

— Oui.

— Mais alors, il faut que je descende à terre… que…

— Impossible. Ils sont sur le pont, et la Madalena va quitter le port dans quelques instants. Écoutez le signal du départ.

En effet, la sirène du steamer lançait son appel mugissant, qui se répercutait en écho dans les flancs du navire.