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la mule. Dans la clarté du soleil, il sembla qu’une gerbe d’étincelles jaillissait du sol.

La mule tomba sur les genoux, se renversa de côté, tandis que son conducteur José, demeuré un instant debout, s’abattait tout d’une pièce.

En même temps, un vent glacé, impétueux, fouetta au visage soldats curieux massés dans les rues, ou spectateurs empilés aux fenêtres.

Le soleil continuait de briller du même éclat, le souffle mystérieux avait cessé, le chariot demeurait immobile, ses brancards calés par le cadavre de la mule.

La condamnée n’avait pas bougé. Enfouie sous son manteau, elle formait une masse brune, immobile, au fond du camion arrêté.

— Le miracle ! le miracle ! clamèrent les curieux les plus rapprochés.

— La Madone a dit à la mule : « Tu n’iras pas plus loin. »

Et dans les rues, la nouvelle se propageait. Une monstrueuse rumeur s’élevait.

— Le miracle, le miracle !

— Viva la glor’ Madona !

Blême, comme pétrifié, Pedro regardait, les yeux agrandis par une mystérieuse épouvante, essuyant d’un mouvement machinal la sueur qui ruisselait maintenant sur son front.

Les sourcils froncés, les traits contractés par une hideuse colère, Olivio se tourna de son côté.

Il comprit qu’il ne tirerait rien de son frère.

Alors, l’imminence du danger décuplant son ardeur, il passa outre.

D’un geste, il cloua Kasper et Cristino sur l’échafaud. Puis, appelant Crabb et Candi, il leur ordonna de faire descendre la condamnée de la charrette et de la soutenir jusqu’à la garrotta.

— Bravo ! crièrent Alcidus et Massiliague.

Le digne Allemand, et son ami, le Marseillais, paraissaient s’amuser énormément.

— Bravo, meinherr ! répéta Noguer en voyant Crabb s’avancer ainsi que Candi vers le véhicule.